Quel âge à l'oeil de l'Afrique ?

Le
Laboratoire Géo-océan
Oeil de l'Afrique - ISS

Une étude publiée en juin 2024 dans la revue Lithos retrace la datation et l’histoire géologique d’une structure géologique particulière : l’œil de l’Afrique.
Gilles Chazot et Bernard Le Gall, tous les deux chercheurs au sein du laboratoire Géo-Océan, sont co-auteurs de cette étude inédite.

3 points à retenir : 

  • La structure de Richat, ou « œil de l’Afrique », est une formation géologique terrestre visible depuis l’espace ;
  • Les chercheurs ont mené une étude géochronologique qui permet la datation des événements géologiques à travers le temps ;
  • La formation de la structure de Richat s’est faite en 2 temps, espacés de 100 millions d’années.
     

Considérée par Platon comme l’emplacement de l’Atlantide ou par certains comme une cité extraterrestre, la structure de Richat en Mauritanie est l’une des formations géologiques terrestres les plus visibles depuis l’espace. Sa forme concentrique intrigante et spectaculaire lui a valu le surnom « d’œil de l’Afrique ».
Sa forme et sa composition restaient énigmatiques pour les géologues. L’étude de Gilles Chazot et Bernard Le Gall a ainsi pour objectif de retracer l’histoire de la formation de la structure de Richat à partir de données chronologiques et géochimiques.

Les analyses ont porté sur différentes formations géologiques qui composent la structure de Richat, et notamment les gabbros, une des roches principales qui composent la croûte terrestre. Ces roches magmatiques sont formées lors du refroidissement de magma suite à une éruption volcanique.

Les chercheurs ont utilisé la datation 40Ar/39Ar (voir encadré) des plagioclases, un minéral contenu dans les gabbros, pour dater les roches. Les analyses ne permettent pas de donner d’âge précis, mais suggèrent que la structure de Richat s’est formée au cours de deux épisodes distincts espacés de 100 millions d’années. 
Le premier épisode se situe au début du Jurassique, entre 230 et 200 millions d’années, soit à la même période que la formation de la province magmatique centre Atlantique (CAMP)1 et s’exprime par l’intrusion des gabbros dans des roches sédimentaires plus anciennes. Les analyses montrent que la composition géochimique des gabbros correspond aux groupes chimiques les plus répandus dans la CAMP.

Dans un deuxième temps, de nouvelles roches magmatiques, dont des carbonatites, riches en carbone, et des roches alcalines, se sont mises en place en profondeur dans la structure avant de subir une érosion importante. Cette suite d’événements a conduit au soulèvement et à l’érosion de l’ensemble de la structure et lui a donné la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

1La province magmatique centre Atlantique (Central Atlantic Magmatic Province : CAMP) est une vaste région composée de roches magmatiques qui s’étend entre l’Europe occidentale, la côte ouest des États-Unis et du Canada, dans l’ouest de l’Afrique et au nord-est de l’Amérique latine.

La datation 40Ar/39Ar 

Pour dater des objets très anciens, tels que des vestiges, des œuvres d’art, des fossiles et même des roches, on utilise la méthode de datation radiométrique. Cette technique repose sur la variation régulière au cours du temps de la proportion d’éléments radioactifs naturels présents dans certains minéraux appelés isotopes. 
La méthode la plus répandue, et la plus connue, est celle de la datation par carbone 14. Cette méthode se base sur le rythme de variation de l’isotope 14 du carbone, à partir d’une valeur maximale déjà connue. 

Mais d’autres éléments tels que l’argon, présent dans les roches, sont utilisés pour les datations 40Ar/39Ar.