Teriitutea Quesnot

 Teriitutea Quesnot

Teriitutea Quesnot

“La mer, ce n’est pas juste une passion. Elle fait partie de moi, c’est une évidence.”
Découvrez son portrait
Vous faites quoi dans la vie ?

Je suis enseignant-chercheur au département de géographie de l’UBO. La première fois que j’ai mis les pieds dans une université, je me suis tout de suite senti à ma place. J’ai toujours eu le sentiment que ces lieux de savoir étaient faits pour moi. Dès la fin de ma maîtrise en géographie à l’Université Bordeaux Montaigne, j’ai su que je voulais devenir enseignant-chercheur. Après mon doctorat en sciences géomatiques, que j’ai décroché à l’Université Laval (Québec) fin 2016, j’ai été recruté chez Airbus, dans la branche Defence and Space. J’ai réintégré le monde académique en 2018, à l’UBO, au sein de l’antenne brestoise de l’UMR LETG. Depuis 2023, je suis également Membre Junior de l’Institut Universitaire de France (IUF), où je détiens une chaire en sciences humaines et humanités portant sur le développement d’une nouvelle approche de la cartographie culturelle dans l’aire océanienne. 

Pourquoi avoir choisi le domaine scientifique ?

Depuis tout petit, j’ai toujours été attiré par les sciences. Après un bac S, je me suis dirigé vers des études en physique-chimie à l’université. Mais au fil du temps, je me suis rendu compte que ce n’était pas vraiment ce qui me passionnait. J’ai alors bifurqué vers la géographie, un peu à contre-pied, et c’est là que j’ai trouvé ma voie. Ce sont surtout les dimensions humaines et culturelles qui m’ont attiré. C’est ce qui m’a mené à ce que je fais aujourd’hui : une recherche interdisciplinaire qui mêle géographie humaine, anthropologie sociale et culturelle, et sciences géomatiques. 

La mer, une passion avant d’être un sujet d’étude/de recherche ?

La mer, ce n’est pas juste une passion. Elle fait partie de moi, c’est une évidence. J’ai toujours vécu au bord, ou pas loin de l’eau ! Je suis né sur une île, Tahiti (Polynésie française), et j’ai grandi à Moorea. J’ai aussi vécu à Ua Pou, dans l’archipel des îles Marquises. Comme beaucoup d’Océaniens et d’Océaniennes, j’entretiens un lien fort, direct et particulier avec l’océan. Ce fameux continuum terre-mer fait vraiment partie de notre culture. Les recherches que je mène aujourd’hui sont profondément ancrées dans ce rapport singulier à la mer — que ce soit à travers les pratiques culturelles, les savoir-faire corporels ou les techniques qu’on développe pour vivre et interagir avec l’environnement insulaire.. 

Qu’est ce que vous rêveriez de découvrir ? 

Ce que je cherche, ce n’est pas forcément de faire des découvertes, mais plutôt de développer des approches et des méthodes qui permettent un vrai dialogue entre les populations, les politiques et le monde scientifique. C’est un objectif ambitieux, que je partage avec d’autres collègues. Je travaille notamment sur la mise en place d’aires marines gérées localement qui permettent à la fois de préserver la biodiversité et de respecter les pratiques, les savoirs et les représentations des communautés locales. Pour moi, c’est au monde scientifique de s’adapter à ces cultures, pas l’inverse. Déformer ou sortir les savoirs de leur contexte pour les faire rentrer dans un cadre scientifique, ça ne peut pas marcher. Si on n’arrive pas à créer ce dialogue à l’échelle locale, on n’y arrivera pas non plus à l’échelle globale. Or, l’océan fait partie de notre patrimoine commun, à l’échelle de l’humanité. Il dépasse les frontières, relie les peuples, et nous rappelle à quel point ce dialogue est indispensable. 

Quel est votre meilleur souvenir en tant que scientifique ?

En avril 2024, j’ai organisé et participé à un workshop à Taïwan, dans le sud de l’île, pour collaborer avec la communauté autochtone Amis. On a notamment échangé sur leurs visions et leurs pratiques, dans le cadre d’un projet d’aire marine qui sera gérée localement par la communauté. C’était un moment très riche, à la fois sur le plan scientifique et humain. On a mêlé des approches très diverses : des méthodes scientifiques classiques, mais aussi de la danse, des cercles de parole… Ce croisement des regards a été vraiment stimulant. Et sur le plan personnel, c’était très fort aussi. D’après ce que l’on sait aujourd’hui, le peuplement de l’Océanie s’est fait depuis l’Asie du sud-est, en passant notamment par Taïwan. Alors, être là-bas, sur cette terre originelle, c’était forcément un moment chargé d’émotion !