Les populations mondiales de requins et de raies réduites de moitié depuis 1970

Le
Laboratoire LEMAR
Requin pointe noire

Nathan Pacoureau, post-doctorant au laboratoire des sciences de l’environnement marin (LEMAR), est co-premier auteur de l’étude « Érosion écologique et augmentation du risque d'extinction des requins et des raies », publiée en décembre 2024 dans la revue Science. Cette étude dresse un état des lieux des populations de requins et de raies dans le monde et révèle un déclin de 50% des populations mondiales de requins et de raies, causé par la surpêche.

Les 3 points à retenir :

  • Depuis 1970, la surpêche a conduit à la chute de 50% des populations de chondrichtyen, soit les requins, raies et chimères ;
  • L'augmentation du risque d'extinction, notamment des plus grandes espèces, pourrait également causer la perte de 22% des fonctions écologiques de chondrichtyens ;
  • Une limitation de la pêche et du commerce des requins et des raies peut limiter la perte de biodiversité marine.
     

Les chondrichtyens sont un groupe de poissons réunissant les requins, les raies et les chimères*. Aujourd’hui, on dénombre plus de 1199 espèces différentes de chondrichtyens, présentes dans de nombreux habitats, aussi bien dans les estuaires, en haute mer ou même dans certains habitats d’eau douce.

L’étude de Nathan Pacoureau et ses collaborateurs s’intéressent aux populations de ces 1199 espèces de raies, requins et chimères. Ils ont développé un indice à partir des risques d'extinction de la Liste rouge des espèces du groupe de spécialistes des requins de la commission pour la sauvegarde des espèces de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) sur les 50 dernières années (1970 – 2020). Cet indice, appelé Red List Index (RLI) et qui existe pour différents groupes d’animaux et de végétaux, permet de montrer les tendances générales du risque d’extinction des espèces, et est utilisé par les gouvernements pour suivre leurs progrès vers les objectifs de réduction de la perte de biodiversité.

*espèce de poisson cartilagineux vivant dans les abysses

La liste rouge des espèces

La liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales. Elle s’appuie sur une série de critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces. Ces critères s’appliquent à toutes les espèces et à toutes les parties du monde.

Fondée sur une solide base scientifique, la liste rouge de l’UICN est reconnue comme l’outil de référence le plus fiable pour connaître le niveau des menaces pesant sur la diversité biologique spécifique. Sur la base d’une information précise sur les espèces menacées, son but essentiel est d’identifier les priorités d’action, de mobiliser l’attention du public et des responsables politiques sur l’urgence et l’étendue des problèmes de conservation, et d’inciter tous les acteurs à agir en vue de limiter le taux d’extinction des espèces.

Source : https://uicn.fr/liste-rouge-mondiale/

De la surpêche au risque d’extinction

Les résultats de l’étude sont multiples et permettent de suivre les conséquences de la surpêche sur les populations de chondrichtyens. Ainsi, les calculs montrent que les prises mondiales de requin et de raie, que ce soit par la pêche ciblée ou les captures accidentelles, sont passées d’environ 750 000 à environ 1,5 million de tonnes, et combiné avec un triplement de l’effort de pêche, représente un déclin de 50% de l’abondance mondiale des requins et des raies. Cette surexploitation des populations a des impacts sur les espèces en elles-mêmes, pouvant aller jusqu’à leur extinction. Le risque d’extinction de ces espèces a ainsi augmenté de 19%, avec un déclin plus rapide des espèces les plus grandes et celles vivant dans les rivières, les estuaires et les eaux côtières proches du rivage.

Des conséquences sur l’écosystème

En interagissant entre elles et avec leurs habitats, les espèces assurent un grand nombre de fonctions dans l’écosystème. Ces fonctions écologiques regroupent les processus biologiques qui permettent le fonctionnement et le maintien des écosystèmes, comme le transfert des nutriments du fond vers la surface, l’oxygénation des sédiments ou le stockage de carbone par exemple.

La surpêche des plus grandes espèces dans les habitats côtiers et pélagiques (en haute mer) et des espèces menacées d’extinction pourrait ainsi conduire à une perte de 5 à 22% des fonctions écologiques des habitats marins.

Bien que le déclin des chondrichtyens ait été initié par la surpêche, d'autres menaces impactent les populations et empêchent la reconstitution des stocks : la dégradation des habitats côtiers, le changement climatique, les pollutions.

Des nations face aux risques, mais aussi sources de solution


Les analyses des chercheurs ont également montré que le risque d’extinction des requins et des raies est plus faible dans les pays où les pouvoirs publics s’investissent davantage pour limiter la surpêche, grâce à une meilleure régulation de la pression de pêche et une élimination des subventions qui encouragent la surpêche.

Pour résumer, ce risque d'extinction est influencé par trois types de variable : l’état de l’écosystème, la pression de pêche et la capacité de gestion des gouvernances. Malgré ces tendances alarmantes, l’étude permet de soulever des points positifs, notamment la meilleure compréhension des populations de raies et de requins. L’équipe souligne que l’analyse met en lumière des solutions pour réduire le risque d’extinction, en diminuant la pression de pêche à des niveaux durables, en renforçant la gouvernance des pêcheries et en éliminant les subventions néfastes.

Projet Global Shark Trends (GSTP)

L'étude a été réalisée dans le cadre du projet Global Shark Trends (GSTP), une collaboration entre le Groupe de spécialistes des requins de la Commission pour la sauvegarde des espèces de l'UICN (SSC), l'Université Simon Fraser, l'Université James Cook et l'Aquarium de Géorgie, créée avec le soutien du Shark Conservation Fund pour évaluer le risque d'extinction des poissons chondrichtyens (requins, raies et chimères). L’analyse est basée sur la première réévaluation globale de la Liste Rouge de l'UICN publiée en 2021. L'équipe a impliqué 322 experts au cours de 17 groupes de travail dans le monde entier pour compléter ces 8 ans de réévaluation globale.