Une équipe brestoise date l'origine de l'oxygène sur Terre

Le
Laboratoire Geo-Océan
roche

Une étude de chercheurs du laboratoire Geo-Ocean (CNRS / UBO / Ifremer / UBS), démontre que la photosynthèse oxygénique existait déjà il y a au moins 2,87 milliards d’années. Cette avancée majeure a été rendue possible grâce à une nouvelle méthode de datation isotopique (La-Ce). Publiés dans la revue Nature le 28 mai 2025, ces résultats s’inscrivent dans une quête scientifique majeure : comprendre comment la Terre est passée d’un monde sans oxygène à une planète habitable régulée par la vie.

Les 3 points à retenir :

  • La photosynthèse oxygénique est le métabolisme le plus important sur Terre, à l'origine de presque toute la biomasse. Pourtant la date du début de la production d'oxygène restait inconnue pour les scientifiques.
  • Une nouvelle technique de datation isotopique basée sur les Terres Rares lanthane et cérium (La-Ce) a permis de dater directement, et avec une très grande précision, les traces d'oxygènes anciens dans les roches.
  • Cette étude démontre la preuve irréfutable que l'oxygène a été produit il y a 2,87 milliards d'années, mettant fin au débat sur la date d'apparition de la photosynthèse oxygénique sur Terre.

La photosynthèse oxygénique est le métabolisme le plus important de la Terre. Elle produit en effet presque toute la biomasse de notre planète. C’est aussi un métabolisme très ancien, puisque la photosynthèse oxygénique est apparue chez les bactéries des milliards d'années avant l'apparition des plantes et des animaux sur Terre.

Quand la photosynthèse oxygénique a-t-elle commencé à produire de l’oxygène ?

Il y a environ 2,5 à 2,3 milliards d'années, la Terre a connu un événement historique de son évolution, la Grande Oxygénation (Great Oxidation Event), au cours duquel l'oxygène (O2) a commencé à s’accumuler massivement dans l’atmosphère terrestre et dans les océans. Cependant, il était jusqu’à présent difficile de déterminer quand exactement la photosynthèse oxygénique a évolué et quand elle a commencé à produire de l’oxygène, permettant son accumulation dans nos océans et notre atmosphère.

En effet, les bactéries fossilisées dans les sédiments marins très anciens ne permettent pas de caractériser la photosynthèse oxygénique. Certes, des colonies bactériennes fossilisées, appelées “stromatolites”, trouvées dans des sédiments anciens datant de 3,5 milliards d'années, ont probablement vécu de la photosynthèse. Mais elles se sont peut-être développées en utilisant des formes primitives de photosynthèse qui ne produisaient pas d'oxygène.

Des traces chimiques révélant la production la plus ancienne d'oxygène libre sur Terre

Au cours des 20 dernières années, des groupes de recherche du monde entier ont trouvé des traces chimiques révélant la production d’oxygène ancien dans des roches datant d'environ 3 milliards d'années, si bien que de nombreux scientifiques ont pu conclure que la photosynthèse oxygénique était apparue à cette période.
Toutefois, des études complémentaires menées au cours des 5 à 10 dernières années ont révélé que bon nombre de ces traces chimiques étaient des artefacts secondaires de l'altération ultérieure de la surface.

Le véritable défi consiste donc à trouver des traces chimiques dans les roches anciennes qui révèlent directement la production la plus ancienne d'oxygène libre sur Terre.

Une technique émergente de datation isotopique permettant de dater précisément les traces d’oxygène ancien dans les roches

Cette étude a utilisé une technique émergente de datation isotopique basée sur les Terres Rares lanthane et cérium (La-Ce), développée à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) en partenariat avec le Laboratoire de Magmas et Volcans (LMV). Elle permet de dater directement et avec une très grande précision les traces d’oxygène ancien dans les roches, et non plus seulement les roches elles-mêmes.

Les scientifiques ont analysé des sédiments très anciens du nord de l’Ontario (Canada), provenant de trois formations géologiques âgées de 2,87 à 2,78 milliards d’années. Dans ces roches carbonatées bien conservées, ils ont trouvé des anomalies négatives en cérium, un signal chimique clair de la présence d’oxygène libre dans l’eau de mer à l’époque. Grâce à leur méthode, ils ont pu prouver que ces signaux ne sont pas modernes, mais contemporains de la formation des roches.

Pour la première fois au monde, cette étude apporte ainsi des preuves irréfutables que l’oxygène a été produit il y a 2,87 milliards d’années. Ces travaux devraient donc mettre fin au débat sur la date d'apparition de la photosynthèse oxygénique sur Terre.

Le projet ERC EARTHBLOOM

Cette étude est le fruit du projet ERC EARTHBLOOM (1,85 M€, 2017–2023), coordonné par Stefan Lalonde, chercheur CNRS au laboratoire Geo-Ocean (CNRS / Université de Bretagne Occidentale / Ifremer / Université Bretagne Sud).

Le développement analytique a été réalisé par Laureline Patry, doctorante encadrée par Pierre Bonnand (UBO), avec des mesures réalisées au Laboratoire de Magmas et Volcans (LMV). L’installation récente d’un nouveau spectromètre de masse au Pôle Spectrométrie Océan à l’IUEM, financé par la Région Bretagne, le CD29 et Brest Métropole (CPER PSO 2021–2027 Ifremer-UBO ; 1,2 M€), permettra désormais de poursuivre ces analyses de pointe à Brest.

Cette étude s’appuie sur des développements méthodologiques réalisés au LMV dans le cadre du projet ERC ISOREE, coordonnées par Maud Boyet, co-autrice et chercheure CNRS au laboratoire Magma et Volcan (CNRS / Université Clermont-Auvergne / IRD).

L’ERC EARTHBLOOM a été élaboré en étroite collaboration avec le professeur Philip Fralick de Lakehead University à Thunder Bay, ON, Canada, qui a coordonné la majeure partie des travaux géologiques sur le terrain ainsi que l'acquisition et l'échantillonnage des carottes de forage.