De nouvelles pistes thérapeutiques contre le cancer colorectal grâce à la génétique

Le
Laboratoire GGB
Cellules cancéreuses

Publiée en août 2024 dans la revue Genome Biology, une étude réalisée en collaboration entre l'équipe du professeur Alex Duval (Sorbonne Université) et celle du professeur Laurent Corcos (directeur de recherche Inserm) avec 8 membres du laboratoire GGB (UMR 1078, Inserm-UBO-EFS), s’intéresse à la formation de certains types de cancers colorectaux. Leurs travaux montrent que les cellules cancéreuses présentent un grand nombre d’anomalies dans les compartiments où sont produites les cellules souches, soit les cellules immatures à l’origine du renouvellement cellulaire du tissu colorectal. Ces anomalies génétiques, ou mutations, conduisent à la production d’ARN messagers altérés, et de protéines nouvelles aberrantes, détournant le colon de son fonctionnement normal et associées à un risque important notamment lors de l’épissage de l’ARN. Ces découvertes permettent d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques ciblant ces défauts.

Les 3 points à retenir :
 

  • La formation de 15 à 20% des cancers colorectaux est due à des mutations dans des sites particuliers de l’ADN contenant des séquences répétées appelées microsatellites (MS) ;
  • Cette étude montre, pour la première fois, l’impact précoce des mutations de MS dans l’épissage des ARN pré-messagers dans les cancers avec une instabilité des MS (MSI) et leurs  conséquences sur la formation des tumeurs ;
  • Les résultats ouvrent la voie à des thérapies ciblant ces défauts d’épissage.

Le cancer colorectal se développe dans les cellules qui tapissent la paroi interne du côlon et du rectum. Ces cellules subissent une transformation anormale qui conduit à la formation de tumeurs malignes. Selon l’origine des cellules cancéreuses, il existe différents types de cancers colorectaux.

Le cancer colorectal touche 47 000 nouvelles personnes par an en France, et est responsable de plus de 17 000 décès. C’est le 3ème cancer le plus fréquent chez l’homme et le 2ème chez la femme.

L’impact des MSI sur l’épissage et la réponse immunitaire

L’étude des deux laboratoires est menée sur 133 patients atteints de différents types de cancers colorectaux, notamment 101 pour qui le cancer est dû à une instabilité des microsatellites (voir encadré 1). Des prélèvements sont effectués dans les cellules tumorales et dans la muqueuse colique normale, le tissu qui recouvre l’intérieur du côlon.

Les analyses effectuées se concentrent sur l’ARN (voir encadré 2) de ces cellules. Les résultats montrent que les MSI entraînent des centaines de mutations, notamment au niveau de certains sites de l’ARN qui interviennent dans l’épissage des gènes. L’épissage est un processus naturel au cours duquel la séquence d’ARN est modifiée : certains segments sont éliminés, les introns, et d’autres sont conservés, les exons qui contiennent les séquences codant les protéines. L’équipe de recherche a ainsi montré que, dans le cas des cancers colorectaux, l’instabilité des microsatellites (MSI) localisés à l’extrémité des introns conduit à l’élimination fréquente de l’exon suivant dans la séquence. Ces mutations se produisent de manière précoce et impactent le système de réparation du mésappariement (dMMR) de l’ADN (voir encadré 1). De nouveaux segments de protéines sont produits, qui déclenchent alors une réponse immédiate du système immunitaire, on dit qu’ils deviennent immunogènes.

Encadré 1 : Du génome instable au cancer colorectal

Le génome est l’ensemble des séquences d’ADN contenues dans chaque cellule de l’organisme. L’ADN est une molécule composée de deux brins complémentaires qui forment une paire. Lors de la division cellulaire, qui conduit à la production de deux cellules filles identiques, l’ADN est répliqué, ou dupliqué, et distribué dans chacune des deux cellules filles.

Bien qu’il existe des systèmes de contrôle et de réparation efficaces, comme le système de réparation du mésappariement de l’ADN, cette étape de réplication peut produire des erreurs.

Dans le cas de certains cancers, dits cancers MSI (pour microsatellite instability), ce système de réparation connaît des dysfonctionnements qui conduisent à des défauts du système de réparation des mésappariements de l’ADN, ou dMMR, pour mismatch repair deficiency.

L’inactivation de ce système à des conséquences sur le génome. Elle provoque notamment l’instabilité des microsatellites. Les microsatellites sont des séquences répétitives dans l’ADN. De nombreux gènes sont affectés par des mutations dans ces séquences micro satellitaires, en particulier dans des séquences de l’ADN nécessaires pour la production des ARN messagers, qui constituent la matrice à partir de laquelle sont produites les protéines indispensables au bon fonctionnement de l’organisme.c Cette instabilité peut conduire à la formation de cellule cancéreuse et de tumeur.
L'instabilité des microsatellites due à un défaut de réparation des mésappariements (dMMR) est fréquente dans 15 à 20% des cancers colorectaux.
 

Vers des thérapies ciblées

Ainsi, cette étude montre pour la première fois l’impact précoce de l’instabilité des microsatellites sur les mécanismes d’épissage de l’ARN, ce qui nuit à la différenciation cellulaire et favorise l'apparition du cancer colorectal.Ces résultats suggèrent de nouvelles pistes thérapeutiques personnalisées des cancers induits par une instabilité des microsatellites en ciblant les agents qui agissent dans la différenciation des cellules ou dans l’épissage.

Encadré 2 : L’ARN messager

L’ARN (pour Acide RiboNucléique) messager est une molécule porteuse d’information génétique, et assurant le passage de l’information (séquence) de l’ADN vers la production des protéines.
Les ARN messagers sont produits dans le noyau des cellules à partir de l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique), lors d’un processus nommé transcription. Cette synthèse fonctionne sur un principe qui aboutit à la production de molécules d’ARN portant la même information génétique que l’ADN.

Source : Thérapies à ARN - Un domaine thérapeutique en pleine expansion