Surveiller les efflorescences algales depuis l'espace

Le
Laboratoire Amure
CouvActu

Base de la chaîne alimentaire, le phytoplancton est constitué de nombreuses espèces de micro-algues marines. Avec des conditions particulières de lumière, nutriment et température de l’océan, ces algues peuvent proliférer de manière excessive et former des efflorescences algales, parfois colorées, visible à l’œil nu et depuis l’espace. Parfois, les efflorescences sont nuisibles à l’environnement. Certaines espèces de phytoplanctons relarguent des toxines qui s’accumulent ensuite le long  de la chaîne alimentaire : crustacés, poissons, oiseaux et mammifères marins. La consommation de coquillage ou poisson contaminés par l’un des trois grands types de toxines existant peut conduire à l’apparition de symptômes divers : nausées, paralysies ou amnésies, et parfois jusqu’à entraîner la mort. Outre la santé humaine, ces efflorescences peuvent donc avoir un effet extrêmement néfaste sur les industries du tourisme et de la pêche au travers d’interdictions de pêche et de commercialisation de produits de la mer, voire de fréquentations du littoral. Sur l’ensemble de l’union européenne, le coût annuel des impacts pour ces secteurs est estimé à plus de 918 millions d'euros.

Des satellites pour observer l’infiniment petit

Face aux risques induits par les algues toxiques, l’Ifremer a mis en place un réseau de suivi, par prélèvements d’eau et de coquillage (réseaux REPHY et REPHYTOX). Si cette méthode est efficace, elle nécessite plusieurs étapes qui s’étendent sur un temps incompressible et pourtant compté !

Pour répondre aux besoins des professionnels de la pêche et de la conchyliculture, le projet EUROHAB, coordonné par le Plymouth Marine Laboratory en partenariat avec plusieurs équipes de recherche anglaise et française, dont le laboratoire Amure, a permis de développer un système d’alerte basé sur la télédétection des efflorescences algales. Grâce à des satellites dernières générations, les scientifiques vont suivre les masses de phytoplancton et notamment observer leur couleur. Des algorithmes, développés spécialement pour ce projet, vont ensuite identifier les familles optiques de ces algues et donc les espèces dominantes.

Cette surveillance de la colorimétrie permet d’agir rapidement, avant même que la contamination du milieu soit constatée et d’aller faire des prélèvements sur une zone précise pour confirmer ou non sa toxicité. Si une contamination est confirmée, alors les photos satellites pourraient être utilisées pour délimiter plus précisément les zones d’interdiction de pêche. L’utilisation des données satellitaires permet donc de gagner du temps et de limiter les coûts qu’impliquerait le retrait de la vente des coquillages infecté ou la fermeture d’une très large zone de pêche.

Finalement, la télédétection permet de produire des cartes de risques, comprenant les zones sans danger et celles à éviter, adaptées aux différents métiers, principalement pêcheurs et conchyliculteurs. L’ensemble des professionnels de l’espace Manche pourront bénéficier de cet outil, puisque la surveillance par satellite a également permis d’élargir considérablement la zone de surveillance : de 3% de l’espace Manche côté français à… 100% !

Nuisibles mais pas que !

Si les effets négatifs sont indéniables, les blooms ont malgré tout quelques effets positifs, comme l’a constaté Pascal Raux, ingénieur au laboratoire Amure : « Lorsqu’une zone est fermée à la pêche suite à une contamination, elle devient une zone de jachère qui permet aux coquillages de grandir plus longtemps. Ces coquillages plus gros deviennent des produits à forte valeur ajoutée pour les pêcheurs, qu’ils peuvent ensuite vendre plus cher aux consommateurs. On a constaté que même s’il n’y plus de contamination dans certaine zone, les pêcheurs continuent de mettre en place des jachères régulièrement. Cette alternance permet de maintenir la production de coquillage de grande taille et donc le prix : ils ont intégré le risque dans leur pratique professionnelle. »

Le projet S3-EUROHAB s'inscrit dans le programme INTERREG France (Manche) Angleterre. Il s'agit d'un programme de financement européen qui associe au minimum deux régions européennes, ici entre la France et l'Angleterre.

Le projet est également partiellement financé par le Fond de développement régional européen.

S3-EUROHAB est porté par 9 organisations : 5 en France (IFREMER-Brest, IFREMER-Port-en-Bessin, IFREMER- Boulogne-sur-Mer, Comité Régional des Pêches de Basse Normandie Université de Bretagne Occidentale) et 4 au Royaume-Uni (Plymouth Marine Laboratory, Environment Agency, University of Southampton, Devon and Severn Inshore Fisheries and Conservation Authority), et sera effectif de Novembre 2017 à Décembre 2022.

Les partenaires scientifiques et acteurs socio-économiques se sont réunis le 22 septembre 2022 pour le symposium final du projet S3-EUROHAB afin d'y présenter les conclusions du projet et le nouveau système d'alerte en ligne qu'ils ont développés.