Décès du Professeur Pierre Youinou

Mise à jour le   29/08/2022

En mémoire à Pierre Youinou


L'un après l'autre, les fondateurs de l'Immunologie et leurs étudiants dans le domaine de l’immuno-pathologie des maladies rhumatismales auto-immunes quittent cette vie temporaire. Le choeur de ces immortels est désormais rejoint par Pierre Youinou.


Après avoir été formé par des grands noms de l’immunologie (les Professeurs Jean Bernard et Maxime Seligmann à l’hôpital Saint-Louis à Paris, puis le Professeur Ivan M Roitt à Londres), Pierre Youinou a été nommé chef de travaux en immunologie (MCU en 1981) puis professeur des Universités à l’UBO (en 1985). Chef du service hospitalier d'immunologie au CHU de Brest de 1989 à 2011, il obtient la reconnaissance de ce service comme laboratoire hospitalier européen de référence en auto-immunité.


Son laboratoire de recherche, qu’il a créé dès 1984 et dirigé jusqu’en 2011, a principalement étudié le rôle des lymphocytes B dans la pathogenèse du syndrome de Gougerot-Sjögren, ainsi que certains aspects cliniques, immunologiques et pathologiques en lien avec les maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux disséminé. Pierre a écrit plus de 600 articles scientifiques avec une grande reconnaissance de ses pairs comme l’attestent les nombreux prix qu’il a reçus. Parmi eux, le Prix Eloi-Collery de l'Académie Nationale de Médecine en 1997, le Prix Bretagne de la Recherche en 2000, le Doctorat honoris causa de l'Université de Bogotá, Colombie, en 2011 ou le titre de “Master” du collège américain de rhumatologie en 2015.


Dans les années 80, le laboratoire de Pierre était l'un des deux en Europe, avec celui dirigé par le Pr Harry Moutsopoulos en Grèce, à étudier la pathogenèse du syndrome de Gougerot-Sjögren. Les professeurs brestois de médecine interne, de rhumatologie, d’hématologie, de néphrologie, d’odontologie, influencés et attirés par son enthousiasme contagieux, son sens du leadership et sa connaissance approfondie de l'immunologie, ont adopté et suivi avec grand plaisir les projets qu'il a mis en place afin d'étudier les différents aspects cliniques et biologiques des maladies auto-immunes.


Ses contributions scientifiques les plus marquantes ont permis de relater le rôle central des lymphocytes B dans la pathogenèse des maladies auto-immunes, la présence d'auto-anticorps anti-cellules endothéliales dans différents troubles et le mécanisme par lequel ils induisent l'apoptose des cellules endothéliales, le TLR2 en tant que récepteur de liaison de la β2GPI, auto-antigène majeur contre lequel les auto-anticorps sont développés dans le syndrome des anti-phospholipides et le rôle des cellules épithéliales comme initiatrices et orchestratrices de la réactivité auto-immune observée dans le syndrome de Gougerot-Sjögren.


Par ailleurs, Pierre souhaitait faire connaître internationalement « le laboratoire d'Immunologie de Brest ». Pour cette raison, il n'a pas accepté, malgré de nombreuses sollicitations, de déplacer son laboratoire à Paris et il a organisé les fameuses rencontres semestrielles d’auto-immunité (Breton Workshop on Autoimmunity) à Brest auxquelles ont participé les plus éminents auto-immunologistes mondiaux. En retour, les cliniciens et chercheurs du monde entier, étudiant les différents aspects du syndrome de Gougerot-Sjögren, ont honoré les contributions scientifiques de Pierre, l'élisant en 2009, pour accueillir et organiser le 10ème symposium international sur le syndrome de Gougerot-Sjögren à Brest ; qu'il exécuta à la perfection en permettant notamment la création du réseau mondial des associations de malades souffrant du syndrome de Gougerot-Sjögren.


A l’UBO, Pierre a été membre du Conseil Scientifique de l'Université pendant 20 ans, membre du bureau du Conseil Scientifique et Pédagogique de l'École Doctorale SICMA pendant 11 ans et assesseur chargé de la Recherche de l'UFR de Médecine de 1998 à 2002. Son équipe de recherche (EA2216) a obtenu sous la direction du professeur Jacques-Olivier Pers la reconnaissance de l’Inserm en 2017 (UMR1227), et est actuellement dirigée par le professeur Divi Cornec. Pierre aura ainsi créé à Brest une « Ecole » que ses élèves n’auront de cesse de transmettre et de faire fructifier.


Enfin, Pierre était un amoureux d'opéra et de littérature, un homme érudit, pressé, curieux, enthousiaste et passionné. Il laisse dans le deuil son épouse, Véronique, la discrète, pilier de la maison de Pierre et peintre de talent et leurs quatre enfants : Damien, Blanche, Véronique et Pierre Jr ainsi que onze petits-enfants. Il va indubitablement manquer à sa famille, ses amis, ses collègues et ses élèves.


Nous nous souviendrons tous de lui.

Photo_Pr_Youinou

 

« Des paysans bretons timides, comme nous, ne disent pas ce qu’ils ressentent. Fidèles, ILS SAVENT. Par conséquent, ils comptent les uns sur les autres, mais c’est implicite, on n’a pas besoin de le dire. »

Pierre Youinou, le 21 juin 2022