La caricature, un genre mineur ?

Mise à jour le   26/10/2022

Responsable :
Jean-Claude Gardes

 

Jusqu’au début du vingtième siècle, l’analyse du genre caricatural trouvait généralement sa place dans les traités d’esthétique. Depuis l’époque de l’esthétique rationaliste et de sa définition de l’idéal comme rencontre de perfection et de beauté, la caricature était devenue, en tant qu’antipode de l’idéal, partie intégrante de la poétique et de l’esthétique et ne donnait guère lieu à des études autonomes des procédés humoristiques et satiriques. La caricature intéressait certes, mais en tant que contre-exemple. Certains penseurs, tel le post-hégélien Rosenkranz dans son Esthétique du laid, reconnaissaient bien à la caricature une fonction sociale, voire morale, mais portaient un jugement sévère sur la qualité esthétique des productions de satire imagée.
Au vingtième siècle, dans la continuité des études socio-historiques d’Eduard Fuchs, anthropologiques de Ernst Kris et Ernst Gombrich, une nouvelle génération de chercheurs, dont quelques historiens de l’art (cf. l’ouvrage récent de Laurent Baridon et Martial Guédron) a tenté d’analyser la caricature pour elle-même, de proposer des théories de la caricature indépendantes. Dans la plupart des cas, le discrédit dont souffre la caricature dans le domaine esthétique demeure vivace et la distinction entre genre majeur (peinture) et genre mineur perdure encore.
Cet état de faits a déjà donné lieu à de nombreuses réflexions dans le cadre des travaux de l’EIRIS, Equipe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Image Satirique, composante de l’EA 4249 (dossiers dans la revue Ridiculosa sur les historiographes de la caricature, essai de délimitation du genre caricatural à l’aide d’études portant sur les rapports entre peinture et caricature, entre peinture et sculpture, entre caricature et photographie, caricature et modernité…). Ces analyses méritent d’être poursuivies et le questionnement sur la composante partisane (politique) de la caricature qui nuirait à sa reconnaissance esthétique se doit d’être approfondi.

 

Différents axes de recherche se dégagent de cette problématique. Dans le cadre du contrat quadriennal, les recherches se concentreront sur les thèmes suivants :

1. Lien entre politique et esthétique – Définition de la caricature

Dans quelle mesure la caricature se différencie-t-elle de la propagande ? Comment la situer face à des notions telles que celles du grotesque ? Quel rapport peut-on percevoir entre caricature et théâtre (de marionnettes) ? Quel regard portent les historiographes de la caricature sur ces questions ?

 

2. Les mutations artistiques en cours

Dans quelle mesure les arts graphiques dans leur ensemble (et notamment la caricature) sont-ils touchés par les révolutions artistiques du vingtième siècle, et de nos jours par la révolution numérique ? Le contour des genres ne mérite-t-il pas d’être redéfini ?

 

3. Caricature et histoire des mentalités

Si la caricature est encore souvent considérée comme un art mineur, son influence sur l’histoire des mentalités ou plutôt sa retranscription des comportements et mentalités suscitent de plus en plus l’intérêt des historiens et des anthropologues. Il s’agit ici de continuer à s’interroger sur les différences culturelles que laissent transparaître les documents de satire graphique.
Différentes présentations et comparaisons des spécificités de certaines caricatures « nationales », encore peu étudiées, sont envisagées, ainsi sur la caricature africaine (camerounaise), la caricature chinoise, canadienne…

 

4. Archivage et bibliographies

Afin de donner au genre caricatural la place qui lui revient dans le monde de la recherche, il est nécessaire de poursuivre le gros travail bibliographique entrepris par l’EIRIS, d’archivage des documents.

 

Les résultats des différents travaux trouveront leur place dans la revue Ridiculosa ou sous forme d’articles dans des revues internationales. Le site de l’EIRIS permet par ailleurs d’archiver bon nombre de documents. D’autres travaux, portant sur la notion de « rapports de force » dans le domaine social seront également entrepris, ainsi que sur la représentation graphique des rapports de force, la représentation du pouvoir…