Le Mirouer de la Mort
Le Miroir de la Mort, composé en breton en 1519, puis imprimé à Morlaix en 1575, expose longuement cette vérité mille fois déclinée dans toutes les langues de la chrétienté : seule une vie terrestre exemplaire permet d'échapper à la damnation éternelle. Et Iehan an Archer Cos n'y va pas par quatre chemins : ici, pas de petit arrangement avec le Ciel, paradis ou enfer, on ne passe pas par la case purgatoire.
Pour convaincre les pécheurs, l'auteur use de tout son arsenal : arguments d'autorité cautionnés par les saints, les pères et docteurs de l'Église ; apostrophes et injonctions ; illustrations tirées de la vie quotidienne. Non content de convaincre, Iehan veut persuader : sa description en boucle de l'enfer crue, cruelle, frappe son lecteur d'une terreur qui se veut sacrée. Et ce faisant, il entortille l'aridité de son discours dans une versification variée, virtuose et une langue protéiforme, foisonnante qui n'est pas sans rappeler les enjolivures du dernier gothique. Tant et si bien que, paradoxe, le lecteur y prend plaisir !
Adoptant un parti différent de ses prédécesseurs lexicographes et philologues qui n'y ont vu qu'un poème didactique ennyeux et mal fagoté, Yves Le Berre examine le Mirouer sans a priori. Au terme d'une analyse fine, il dévoile en Iehan un véritable Maître, qui a su transformer une banalité désagréable en une oeuvre véritable, qui atteste de la riche culture du breton en ce XVIe siècle et de sa parfaite insertion dans la culture continentale de son temps.