Responsables :
Gaïd Girard et Hélène Machinal
En évoquant les confins de l’humanité, ce sous-axe entend explorer les contours et les frontières de l’humain ainsi que l’au-delà, imaginaire ou non (cf. le débat sur le « parc humain » - Habermas/ Sloterdijk). Pour ce faire, il semble nécessaire de revenir aux origines philosophiques anglaises de la notion même d’humanité (Locke, Essai sur l’entendement humain, 1690), pour mieux appréhender les liens qui se tissent entre personne, identité, conscience et mémoire. L’émergence de la notion de personne humaine nous conduira dans ce programme de recherche à prendre en considération sa possible disparition. Le XVIIIe siècle correspond également à une ère de révolution scientifique et industrielle qui modifie l’épistémè de l’époque, comme cela s’est reproduit pour les révolutions scientifiques et industrielles des XIXe et XXe siècles. Les périodes de bouleversements et de tensions épistémologiques et ontologiques sont ainsi propices à des crises de la représentation qui ouvrent au texte littéraire des brèches où peut s’effectuer une projection des possibles de l’humain.
Depuis le XVIIIe, la notion de personne humaine a également donné lieu à une attention accrue portée aux possibles mises en tension de l’individu et de la communauté. Personne humaine et communauté humaine, prérogatives de l’une sur l’autre, aliénation de l’une par l’autre, la question des rapports de force entre individu et société/collectivité traverse le XIXe et le XXe siècle. Les failles des sociétés industrielles successives sont explorées par un mode d’écriture, du gothique au fantastique postmoderne qui dit l’au-delà des frontières, révèle la menace qui pèse sur l’humain et le potentiel anxiogène desdites sociétés sur ce dernier. Les écrits de Foucault sur le « biopouvoir », les approches socio-philosophiques de Baudrillard, Jameson, Virilio, Badiou et Nancy montrent une fragilisation de l’humain et la menace d’un possible effacement de ce dernier dans un monde où la nature même du réel est remise en question.
La période charnière pour dater les prémisses de la réflexion contemporaine sur ce que certains philosophes et plasticiens appellent le post-humain est celle de l’après seconde guerre mondiale qui révéla la pratique d’un type de mort jusqu’alors non envisagée, celle d’une mort globale de l’humanité (Michel Serres, Hominescence, 2001). Les progrès technologiques n’ont pas cessé depuis et les champs d’exploration de la technique se sont ouverts au vivant, avec l’apparition des biotechnologies en général, et avec la possibilité du clonage humain en particulier. L’aube du XXIe siècle est dès lors marquée par une nouvelle révolution industrielle, celle des biotechnologies et de l’informatique.
L’intelligence et la vie artificielle deviennent alors deux champs d’exploration possibles pour la science mais aussi pour la littérature et les arts visuels, qui reposent ainsi la question de la définition de la personne humaine. Dans une société qui évolue vers une contamination du virtuel et de l’irréel, un dépassement de la mesure humaine et du corps humain, le reflet du même peut se révéler totalement autre et donc encore plus menaçant. « La fabrique du vivant » (F. Gros, 1989, 1990) et la réplication du même que représente le clone en sont une illustration. De même, le pouvoir du virtuel sur le réel marque profondément des auteurs et artistes contemporains qui ont recours à l’imaginaire pour illustrer les dérives d’une société qui fonctionnerait par référence à l’image. La résistance des corps – individuels mais aussi collectifs – s’inscrit alors dans une réflexion politique et philosophique sur une persistance possible de l’humain.
Les confins de l’humanité se déclinent en exploration de l’inhumain, de l’altérité, de l’animalité, du monstrueux et de l’hybridité, mais aussi d’une post-humanité qui serait passée à la « fabrique du vivant ». Ils s’illustrent aussi au cours de cette dernière décennie par une recrudescence de textes eschatologiques mettant en scène la fin de l’humanité. Cette écriture du cataclysme n’est pas un phénomène nouveau tant les précédentes fins de siècles ont été elles aussi marquées par une écriture de la fin. Il serait donc intéressant d’étudier la spécificité de cette écriture du futur telle qu’elle apparaît dans la littérature et les arts anglophones. En quoi cette écriture est-elle réellement novatrice, comment s’affranchit-elle du cadre générique de la science fiction qui la contenait auparavant ? Sommes-nous confrontés à un nouveau mode, à un nouveau genre émergeant dans une période de difficulté à dire l’alternative à l’humain ?
Projets de recherche
- Les représentations du mesmérisme aux 18e et 19e siècles.
- Du gothique au virtuel : de la lanterne magique aux images de synthèse
- Ecritures de la fin
- Séminaire : octobre 2011- mai 2012 : « La trace de l’humain »
- Colloque international : novembre ou décembre 2012 : « Mapping humanity and the post-human/ Frontières de l’humain et post-humanité »
- Projet inter-MSH : Dijon, Poitiers, Bretagne
- Représentations de la crise écologique dans la littérature hyper-contemporaine (domaine britannique/irlandais) : projet de communication sur "la littérature irlandaise de l’après-Tigre Celtique : du chaos à l’après-développement ?"
- « Résistance, clonage et remodelage du corps allégorique dans la fiction écossaise du 21e siècle : le corps indépendant »
- « L’écriture du futur chez John Carpenter » et projets sur le cinéma fantastique
- Janette Turner-Hospital, Oyster et The Last Magician.
- Résistance du corps et fin cataclysmique chez les Cubains Estévez et Arenas