Individu et logique des systèmes : aliénation, échanges et appropriation

Mise à jour le   26/10/2022

Responsables :
Catherine Conan et Alain Kerhervé

 

La notion de système, empruntée à la mécanique et à la physique, désigne un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon des règles et principes. Appliquée à l’homme, elle en suppose une vision mécaniste (le système digestif, vasculaire), par opposition à une origine transcendante. La notion de système problématise, plus qu’elle ne s’oppose à une définition de l’humanité.
L’économie est sans doute le système prépondérant à l’époque contemporaine. La sphère économique est le domaine où l’aliénation née du rapport de force hautement inégal entre individu et collectivité est la plus visible. Pourtant, l’économie prend racine dans la nécessité de l’échange, qui définit l’être humain, devenu homo oeconomicus, et permet par le travail, puis la division de celui-ci, d’augmenter la richesse des groupes humains, sociétés ou nations (Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations). Or, dès son fondement, l’économie classique repose sur un paradoxe, puisque l’augmentation des échanges naît de la recherche de l’intérêt individuel. Il se crée alors une tension entre individu et collectivité, la maximisation du profit et la création de lien social.
L’idée de système invite à s’intéresser au rapport entre l’homme et les machines, ou les objets formant système. Le foisonnement des objets et gadgets technologiques pose la question du lien entre humain et technique, ainsi que du rapport de l’homme aux objets qui l’entourent. La capacité de l’homo faber à suppléer à la relative faiblesse de son corps le distingue de l’animal, et le monde et ses objets sont donnés dans l’existence humaine, créant un univers artificiel en rupture avec l’état de nature. Et pourtant, n’ayant qu’un rapport de plus en plus lointain avec le geste et le savoir-faire humains au fur et à mesure des progrès technologiques, les objets du monde moderne tendent à se substituer à l’homme, et à brouiller la distinction entre homme et machine (Baudrillard, Le Système des Objets).
Un système apparaît rapidement comme une construction intellectuelle visant à imposer des lois, et donc à apprivoiser la nature, qui est le règne de l’accidentel. La question du rapport de l’homme à une nature jugulée par un ensemble de règles invite à une réflexion sur le regard porté sur elle. La relation entre homme et nature a-t-elle été modifiée par la prise de conscience de la finitude des ressources naturelles ? La menace d’un effondrement global (J. Diamond) par la saturation (G. Simondon) des écosystèmes due à l’activité humaine pourrait rendre l’homme responsable de son propre effacement (B. Méheust).
Pour autant, il serait vain de poser une dichotomie entre individu (humain) et collectivité (machine inhumaine). Avec l’avènement de la société post-industrielle et de l’art postmoderne qui selon Fredric Jameson en est la manifestation culturelle, la citoyenneté, trouve dans la consommation son double grotesque, apolitique et hyperréel (J. Testart), ce qui fait du post-capitalisme une ère que Baudrillard qualifie de « transpolitique » (La Transparence du Mal). L’humanité semble alors caractérisée par les diverses formes de la participation et de l’engagement dans un système politique. Et pourtant, c’est paradoxalement, au nom de revendications politiques que des actes inhumains sont commis (crimes de guerre, terrorisme…). Les arts, et la littérature en particulier, ont souvent exprimé ce paradoxe, et se sont parfois faits la voix de l’opposition ou de la résistance aux machines guerrières ou coloniales.
L’humain peut se dévoiler dans le système d’échange non marchand (parole, échange épistolaire, démocratie participative) et le don (toutes les manifestations de la gratuité, mais aussi le sacrifice). L’humanité s’exprime ainsi également par un ensemble de rituels sociaux ou religieux. D’autres systèmes, comparables à des jeux, permettent à notre humanité de s’exprimer. C’est le cas du langage, où l’échange se construit par la parole et l’intersubjectivité. De manière analogue, le code subvertit potentiellement le monolithisme des systèmes idéologiques en place.

 

Projets de recherche

 

  • Le rapport des écrivains irlandais aux deux guerres mondiales, de l’ignorance de Yeats à la résistance de Beckett.

 

  • Somme et partie chez Thomas Pynchon
  • Opposition de groupes religieux au système (Amish et technologie moderne, Quakers et pacifisme, sectes et normes)
  • Opposition de poètes américains à la guerre (« Poets against war »)
     
  • Théories de l’écriture et de la littérature épistolaires au XVIIIème siècle. Projet de communication : "Retour à l’état de nature et vestiges d’un système économique dans The Book of Dave de Will Self"

 

  • Projet de recherche sur la littérature écossaise et l’activisme : de la fiction au pamphlet