15. Paradoxes et détours du lyrisme

Mise à jour le   25/10/2022

Porteur(s) du programme :
Marie-Cécile Schang-Norbelly (MCF)

 

Autres collègues impliqués :
Lionel Souquet (PR), Patricia Victorin (PR)


Partenaires extérieurs et/ou institutionnels :
Sur la question du lyrisme, de son expression et de sa représentation dans les genres dramatiques « mineurs ». Par exemple :

  • Chrisophe Crapez, chanteur lyrique, directeur artistique de la Compagnie La Grande Fugue.
  • Benjamin Pintiaux, docteur en musicologie et agrégé d’histoire, directeur artistique de la Compagnie Pêcheur de perles et du festival Eva Ganizate.

Partenariats envisagés avec l’école de musique de Lorient et le théâtre de Lorient.

 

Présentation :
On qualifie traditionnellement de lyrique l’expression d’une voix poétique dont l’émergence est rendue nécessaire par les insuffisances du langage ordinaire, et qui se déploie au sein de genres élevés, nobles, idéalisants (la tragédie, la poésie lyrique de la Renaissance…).
Mais le lyrisme surgit aussi, en littérature, dans les arts du spectacle et dans les arts picturaux ou décoratifs, là où on ne l’attend pas : au sein de formes prosaïques, comiques, hybrides, irrégulières, caractérisées par leur modestie ou en tout cas considérées comme inférieures dans la hiérarchie classique des genres.

 

D’un point de vue stylistique, ce lyrisme « à contre-courant » naît d’une opposition, d’une confrontation, d’une disconvenance qui crée l’urgence de son surgissement et qui garantit sa singularité. La voix lyrique tire alors parti, pour s’affirmer, d’un cadre qui n’est pas traditionnellement favorable à son émergence. Cette voix peut s’exprimer sur un mode sérieux ou sur un mode parodique, ajoutant alors la dérision au détournement.

D’un point de vue poétique, rhétorique, esthétique, on observe une inversion des fonctionnements traditionnels, qui produit des décalages, des tensions, des dissonances porteuses de sens. Cette inversion induit le déploiement d’un lyrisme paradoxal, décalé, qui n’émane plus d’une instance surplombante et douée de talents exceptionnels, mais caractérise au contraire
• une parole ordinaire, simple, floue,
• des formes irrégulières, inachevées,
• une expression de l’à-peu-près, de la demi-teinte, du tâtonnement.

D’un point de vue idéologique, ce lyrisme paradoxal, décalé, inattendu, doit être mis en perspective avec l’importance accordée au « sentiment de soi » et aux enjeux socio-politiques de son expression.
Du Moyen Âge au XXIe siècle, tous les genres sont concernés, y compris la poésie dans des formes considérées comme « mineures » ou apparemment incompatibles avec l’expression lyrique (les fameuses « peintures idiotes » de Rimbaud, les « inscriptions des enseignes et des murailles » d’Apollinaire, les poèmes « boîteux » de Verlaine…).

Que signifie la séparation du poème et du chant au XIVe siècle, après Guillaume de Machaut ? Qu’en est-il du lyrisme du Testament de François Villon, et de la cohabitation du grotesque et de l’idéal ? Le Moyen Âge et les siècles ultérieurs n’ont cessé d’interroger ces hybridités du lyrique et du narratif (Cf. la chantefable Aucassin et Nicolette, les romans courtois et arthuriens avec insertions lyriques....). Le genre parodique et fatrasique qu’est la Fatrasie rejoue-t-il autrement la question du lyrisme, un lyrisme ordinaire mais fait de bric et de broc ? Au XVIIIe siècle, le penchant rococo pour l’artifice et la surcharge décorative, mais aussi le goût pour un théâtre représentant de petites bergères aux joues roses chantant la découverte du sentiment amoureux, n’expriment-ils qu’un besoin de légèreté et de divertissement ?

Ces quelques questions, parmi bien d’autres, ont pour but d’appréhender des œuvres bien connues sous des angles nouveaux, ainsi que des œuvres moins connues ou considérées comme secondaires en raison même de l’écart signifiant et parfois assumé qui les sépare des « grands genres ». Les approches synchroniques et diachroniques se complèteront et s’éclaireront.

 

 

 

  • Deux ou trois journées d’étude qui seront le préambule à un colloque.
  • Un atelier autour de l’interprétation de genres dramatiques et dramatico-musicaux considérés comme « mineurs » et légers, avec un ou deux interprètes et un metteur en scène, pour discuter avec les étudiants de Master (par exemple) des problèmes d’interprétation posés par ces genres. Cet atelier pourrait être inclus dans l’une des journées d’étude, ou être organisé séparément.

 

Une publication de l’ensemble des travaux (JE et colloque, en un ou deux volumes).

BAHIER-PORTE, Christelle & JOMAND-BAUDRY, Régine (dir.), Écrire en mineur au XVIIIe s., Paris, Desjonquères, coll. L'Esprit des lettres, 2009.
BENJAMIN, Walter, L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Paris, Allia, 2011 (1935).
CASANOVA, Pascale, « Nouvelles considérations sur les littératures dites mineures », dans Littératures classiques, no 31, automne 1997.
CAVALLARO, Adrien, « Fantaisie des « peintures idiotes ». La génération surréaliste au défi de la beauté moderne », Fabula / Les colloques, Générations fantaisistes (1820-1939), URL : , page consultée le 16 octobre 2020.
COLLOT, Michel, « Lyrisme et réalité », Littérature, Année 1998 110 pp. 38-48.
GROJNOWSKI, Daniel, « Le rire “moderne” à la fin du XIXesiècle », Aux commencements du rire moderne. L’esprit fumiste, Paris, José Corti, 1997.
HUGOTTE, Valéry, VALTAT, Jean-Christophe et BERTRANDIAS, Bernadette, Modernité du suranné : raturer le vieillir, Presses Univ Blaise Pascal, 2006.
KLEIN, Rony, « D'une redéfinition de la littérature mineure », Littérature, vol. 189, no. 1, 2018, pp. 72-88.
DELEUZE, Gilles et GUATTARI, Félix : Kafka, pour une littérature mineure, Paris : Minuit, 1975.
MAULPOIX, Jean-Michel, Du Lyrisme, José Corti, 2000.
MAULPOIX, Jean-Michel, La Poésie comme l'amour, Mercure de France, 1998.
MAULPOIX, Jean-Michel, Pour un lyrisme critique, Paris : José Corti, coll. « En lisant en écrivant », 2009.
RODRIGUEZ, Antonio, Modernité et paradoxe lyrique. Max Jacob, Francis Ponge, Paris, éditions Jean-Michel Place, coll. « Surfaces », 2006.
RODRIGUEZ, Béatrice et ZEKRI, Caroline, La notion de « mineur » entre littérature, arts et politique, Paris, Michel Houdiard, 2012.
RICHARD, Jean-Pierre, « Fadeur de Verlaine », Poésie et profondeur, Paris, Seuil, 1995.