Comment résoudre les conflits discursifs ?

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Montauban (82)
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Appel à communication

 

Colloque international

Comment résoudre les conflits discursifs ?

2 – 4 juillet 2025

Ancien Collège

Montauban

sous le patronage de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban

 

Argumentaire 

L’époque actuelle se caractérise par de nombreux conflits qui paraissent sans issus, qu’ils soient d’origine géopolitique comme la guerre israélo-palestinienne au Proche Orient, économiques avec l’opposition entre les modèles libéraux et protectionnistes, ou sociaux à la suite de la transformation irréversible du monde du travail en raison de l’arrivée de l’Intelligence Artificielle. À ces conflits profonds qui ont une résonance planétaire s’ajoute la multiplication de polémiques plus ponctuelles, largement relayées par les médias, qu’elles concernent la vie politique quotidienne, le domaine culturel ou certains problèmes de société. Or ces situations conflictuelles donnent le plus souvent lieu à des prises de position discursives dogmatiques et inconciliables qui mettent en jeu les règles de vie en société. 

Depuis la publication de l’art de la controverse du philosophe Arthur Schopenhauer en 1831 destiné à faire savoir comment dominer un interlocuteur en toute circonstance, de nombreux travaux en sciences du langage, en sciences humaines et en droit ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des conflits discursifs. Ces travaux s’attachent entre autres à élucider la mécompréhension manifeste entre les interlocuteurs (Angenot 2008), la rupture des échanges communicatifs (Windisch 2008), en passant par les différentes expressions de la parole pamphlétaire (Angenot 1982) et polémique (Declercq 2024) qui usent, à des degrés divers, de la violence verbale. 

Le colloque s’appuiera sur ce corpus de recherches pour débattre d’une question cruciale pour le monde d’aujourd’hui : comment résoudre les conflits discursifs, quel que soit leur mode de transmission ? En analysant des cas de figures historiques, artistiques, littéraires, juridiques, etc., plusieurs modèles théoriques pourront être soumis à discussion. On pense en particulier à celui des lois du discours issu de la recherche de Herbert Paul Grice (1979) dans une perspective kantienne, dont celle, fondamentale, du principe de coopération stipulant le respect mutuel des interlocuteurs indispensable à toute communication, ou celle de la maxime de sincérité qui consiste à ne pas induire en erreur la personne à laquelle on s’adresse. De même, il conviendra de réfléchir sur les modèles proposant une gestion satisfaisante des échanges polémiques (Amossy 2000 et 2014) ou de l’argumentation en situation difficile (Breton 2004). Il faudra aussi discuter les modèles de l’interaction verbale que Catherine Kerbrat-Orecchioni (1990-1994) a présentés de façon synthétique dans le cadre linguistique (régulation de la politesse verbale, recours à l’euphémisation et à des « adoucisseurs »…). En outre, la conciliation des valeurs dans les contextes de controverse (Guerrini 2019) ou celle des points de vue en confrontation (Rabatel 2005 et 2014) mériteront un examen approfondi. De surcroît, on pourra revisiter la théorie de l’argumentation de Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca (1992) dans le domaine du droit, ainsi que celles relatives à la négociation (Launay 1990) et au bon aboutissement des débats (Jacquin 2014) lors de prises de parole publiques. Par-delà ces modèles et ces théories, des études de cas spécifiques portant sur la résorption des interactions polémiques dans des productions textuelles variées (littérature, médias sociaux, Internet, discours politiques et médiatiques) seront les bienvenues.

De la sorte, la recherche d’une résolution des conflits discursifs proposée par le colloque ouvrira deux perspectives principales : rhétorique et éthique. Afin de mettre à la disposition des citoyens un ensemble de techniques communicatives nécessaires pour faire valoir leurs opinions et pour transformer les dissensus en consensus, ne serait-ce que partiel, il faudra œuvrer au renouveau de ce que Marc Fumaroli (1980) a appelé, pour l’époque de la Renaissance finissante, « l’âge de l’éloquence », notamment dans le domaine de l’éducation publique. De plus, cette compétence communicative devra aboutir à la réalisation, dans les faits, de l’acte de parole engageant la force de persuasion d’un discours individuel ou institutionnel selon la perspective pragmatique de John Austin (1962). Enfin, la dimension éthique de toute tentative de résolution d’un conflit discursif réside dans la validation du concept dialogique (Bakhtine 1981, Koren 2019, Buber 2021), stipulant un partenariat constructif entre les interlocuteurs engagés au sein d’un échange communicatif. 

S’adressant aux chercheurs/euses en linguistique, en littérature et en sciences de la communication, mais également aux politologues et aux juristes, ce colloque interroge ainsi la vaste problématique des modalités de la construction de la réalité sociale (Searle 1995). Celle-ci relève de ce que le journaliste Jean Birnbaum (2021) appelle « le courage de la nuance », à savoir la capacité d’énoncer une parole argumentée qui se met à l’écoute de l’autre dans un esprit de partage. Autrement dit, il s’agit de pratiquer le sens critique hérité des Lumières.  

Références bibliographiques

Amossy, Ruth, L’argumentation dans le discours, Paris, Nathan, 2000.

Amossy, Ruth, Apologie de la polémique, Paris, PUF, 2014.

Angenot, Marc, La parole pamphlétaire. Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1982.

Angenot, Marc, Dialogues de sourds. Traité de rhétorique antilogique, Paris, Mille et une nuit, 2008.

Austin, John Langshaw, How to do things with words, Oxford, Clarendon Press, 1962.

Bakhtine, Mikhaïl, Le principe dialogique. Suivi de : Écrits du Cercle de Bakhtine, de Tzvetan Todorov, Paris, Seuil, 1981.

Birnbaum, Jean, Le courage de la nuance, Paris, Seuil, 2021.

Breton, Philippe, Argumenter en situation difficile, Paris, La Découverte, 2004.

Buber, Martin, Je et tu, Paris, Aubier, 2021 (1923).

Charaudeau, Patrick, Le débat public. Entre controverse et polémique, Limoges, Lambert-Lucas, 2017.

Charaudeau, Patrick, La manipulation de la vérité. Du triomphe de la négation aux brouillages de la post-vérité, Limoges, Lambert-Lucas, 2020.

Declercq, Gilles (dir.), La parole polémique, Paris, Honoré Champion, 2024 (2004).

Fumaroli, Marc, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Paris, Albin Michel, 1980.

Grice, Herbert Paul, « Logique et conversation », Communications, n° 30, 1979, pp. 57-72.

Guerrini, Jean-Claude, Conflits de valeurs et corrida. Une étude argumentative de la controverse, L’Harmattan, 2022. 

Jacquin, Jérôme, Débattre. L’argumentation et l’identité au cœur d’une pratique verbale, Bruxelles, De Boeck Duculot, 2014.

Kerbrat-Orecchioni, Catherine, Les interactions verbales, Volumes I-III, Paris, Armand Colin, 1990-1994.

Koren, Roselyne, Rhétorique et éthique, Paris, Classiques Garnier, 2019.

Launay, Roger, La négociation, Paris, ESF Éditeur, 1990.

Perelman, Chaïm et Olbrechts-Tyteca, Lucie, Traité de l’argumentation. Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1992 (1958).

Rabatel, Alain, « Les postures énonciatives dans la co-construction dialogique des points de vue : coénonciation, surénonciation, sousénonciation », dans J. Bres, P. P. Haillet, S. Mellet, H. Nølke et L. Rosier (dir.), Dialogisme, polyphonie : approches linguistiques, Bruxelles, Duculot, 2005, pp. 95-110.

Rabatel, Alain, « Empathie, points de vue, méta-représentation et dimension cognitive du dialogisme », Études de linguistique appliquée, n°173, 2014, pp. 27-45.

Schopenhauer, Arthur, L’art d’avoir toujours raison. La dialectique éristique, Paris Fayard/Mille et une nuit, 2021 (1831).

Searle, John Rogers, La construction de la réalité sociale, Paris, Gallimard, 1995.

Windisch, Uli, Le K-O verbal. La communication conflictuelle, Lausanne, L’Âge d’homme, 2008 (1987).

 

Modalités pratiques

Lieu et date : Montauban, Ancien Collège, du 2 au 4 juillet 2025.

Les propositions de communication, d’une longueur de 300 à 400 mots, doivent être envoyées avant le 31 janvier 2025 conjointement aux adresses suivantes :

michael.rinn@univ-brest.fr

marc.bonhomme@unibe.ch

Les notifications d’acceptation seront envoyées aux participant/e/s avant le 15 février 2025. L’ensemble des conférences aura lieu en présentiel.

Les frais d’inscription sont de 50 euros (réservation de la salle de conférence, pauses café, frais d’impression).

La publication d’un ouvrage collectif est prévue. Des précisions sur ce point viendront par la suite.

 

Responsables du colloque :

Michael Rinn, Professeur, Université de Bretagne Occidentale, HCTI UR4249, Brest.

Marc Bonhomme, Professeur émérite, Université de Berne, Suisse.

Robert d’Artois, Président de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban

Pierre Marillaud, Inspecteur d’Académie honoraire, ancien chercheur associé à l’Université Jean Jaurès (Toulouse), membre de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban.

 

Comité d’organisation : 

Philippe Bécade, Université de Toulouse

Michael Rinn, Professeur en Sciences du langage, Université de Bretagne Occidentale

Christophe Cosker, Université de Bretagne Occidentale, HCTI UR429

Pierre Chartier, Université de Bretagne Occidentale, HCTI UR4249

 

Comité scientifique : 

Ruth Amossy (Université de Tel Aviv, Israël)

Dorota Antoniewska-Lajus (Université Nicolas Copernic de Torun, Pologne) 

Patrick Charaudeau (Université de Paris 13/CNRS, France)

Guillaume Delvolvé  (Académie des Jeux Floraux de Toulouse, France)

Jean-Claude Guerrini (CNRS, ENS de Lyon, Université de Lyon, France)

Margareta Kastberg Sjöblom (Université de Franche-Comté, France)

Roselyne Koren (Université Bar-Ilan, Israël)

Montserrat López Diaz (Université de Saint-Jacques de Compostelle, Espagne)

Paola Paissa (Université de Turin, Italie)

Alain Rabatel (Université de Lyon 1, France)

Ndiémé Sow (Université Amadou Mahtar Mbow de Dakar, Sénégal)