Mots de la controverse : Polyphonie et intertextualité

Mise à jour le   26/10/2022

Responsable :
Ghislaine Lozachmeur

 

La polyphonie est une notion centrale qui s’impose dans les études. Il est admis que chaque discours, produit dans un contexte donné, en contient un autre et le reflète, que chaque discours s’inscrit dans une interaction explicite et implicite. Plusieurs voix se font entendre aux niveaux macro textuel ou micro textuel. Ces notions intéressent les différents travaux du groupe relevant de la sémantique ou de la pragmatique en s’inspirant des travaux de Michaïl Bakhtine, Gérard Genette, Oswald Ducrot, Jean-Claude Anscombre et Alain Berrendonner.
Le groupe « Mots de la controverse : polyphonie et intertextualité » se propose d’explorer les possibilités combinatoires des études polyphoniques avec les domaines de l’argumentation, de l’analyse textuelle et des analyses conversationnelles. Les travaux pourront se focaliser sur le marquage linguistique ou sur l’interprétation polyphonique des énoncés, que ce soit dans l’œuvre romanesque, dans un corpus de textes de presse, dans des discours politiques et scientifiques. Ils en appréhenderont l’appareil théorique et s’interrogeront sur l’unité du sujet parlant. Le thème de l’altérité et du rapport à la parole de l’autre sera inclus également dans la dynamique de recherche. Comment la voix de l’autre est-elle étouffée ou au contraire comment lui aménage-t-on une place importante dans le dire de l’énonciateur ? Est-elle prise en charge, mise à distance, construite comme fiable, douteuse ?
Ces travaux seront ancrés dans la réflexion narratologique et textuelle qui a renouvelé l’approche du récit et des discours, tels qu’ils ont été réévalués dans un esprit critique. Il s’agit de réfléchir à la façon dont le narrateur est confronté à la langue et au défi de l’expression en tant que la langue informe notre intériorité, trame nos échanges, construit nos concepts ; en effet, le narrateur est dominé par l’ordre verbal qui contraint la société et les individus. La conception de l’analyse sémantique des textes a jeté un nouveau regard sur les représentations de la société contemporaine. Il faut tenir compte, dans les recherches entreprises, des techniques informatiques d’analyse et de traitement du langage qui ont introduit une nouvelle lecture du texte et en conséquence, l’intérêt d’une interrogation méthodique par les approches computationnelles.
Quête du savoir, sens philosophique, sens esthétique et sens éthique sont donc des incitations à retravailler la langue. C’est cette controverse déjà en germe dans les siècles précédents, forme de refus, de protestation, de révolte, d’esquive vis-à-vis de la norme littéraire, linguistique, sociale, vis-à-vis de la doxa, qui constitue le cœur de notre étude.
En effet les mots du récit peuvent être habités par une charge polémique et un esprit de dénonciation, de recomposition intérieure, de rébellion, de construction d’un contre-univers, qui interrogent la polyphonie. La controverse libère l’ordre verbal, facteur incontournable des oppressions du réel, des interdits. Elle transforme les mots en armes. Et le récit devient alors espace de contestation linguistique ou de reconstruction, qu’il soit anecdote, autobiographie, roman, récit historique, témoignage, article de presse, recours au récit pour le sociologue, l’ethnologue, le psychologue. Il module l’expression, démystifie les paroles dominantes d’une époque et se réapproprie la langue. En même temps, il influe sur la destinée des mots.
De ce fait, l’analyse linguistique de la polyphonie et l’analyse littéraire peuvent se combiner pour s’attacher à observer certains thèmes récurrents comme le point de vue, la problématique de l’énonciateur, la notion de prise en charge, les discours rapportés.