Intertextualité et Imaginaires bibliques : normes et écarts
Responsables :
B. Jeanjean, I. Durand
Le programme de recherches sur l’intertextualité et les imaginaires bibliques engagé dans le cadre du précédent contrat se propose désormais d’interroger les différentes réécritures des figures et topoi bibliques dans le texte et l’image. Si le texte biblique, revêtu de son caractère sacré, constitue bien une norme tant littéraire que doctrinale, il importe de saisir jusqu’à quel point ses réécritures et ses détournements s’inscrivent dans cette norme ou s’en écartent, dans une intention apologétique, parodique, critique ou purement esthétique. Il y a ainsi des lignes de force qui parcourent l’intertextualité et les imaginaires bibliques, depuis le substrat de l’Écriture sainte, jusque dans les métamorphoses que lui font subir les créations littéraires, iconographiques ou filmiques qui s’en inspirent.
Le texte biblique en lui-même est déjà un lieu où s’observent de telles lignes de force à travers le prolongement problématique des Écritures juives par les Écritures chrétiennes. Si les chrétiens revendiquent pour eux les textes de l’Ancien Testament, les juifs dénient tout caractère sacré au Nouveau Testament. Au sein même des controverses doctrinales qui émaillent l’histoire du christianisme jusqu’au XXIème siècle, le recours à l’argument scripturaire constitue un argument d’autorité, alors que celle-ci ne peut s’exercer que dans le cadre d’un consensus toujours contesté sur l’interprétation des textes invoqués.
Les innombrables réécritures dont la matière biblique fait l’objet s’organisent également en suivant diverses lignes de force, selon qu’elles s’inscrivent dans le prolongement, le dépassement, le détournement ou le renversement de la norme biblique originelle.
On cherchera donc à mesurer le degré d’écart qui peut séparer le modèle biblique revendiqué et l’intention qui motive son réemploi. On pourra également s’interroger, dans une perspective diachronique sur le rapport paradoxal qui peut lier, dans de telles réécritures, l’intention affichée de l’artiste, à son époque, et les conséquences imprévisibles ou inattendues de la référence à l’imaginaire biblique dans le contexte de réception contemporain.
Deux grandes démarches herméneutiques se dessinent ainsi, selon que l’on considère les lignes de force internes au texte biblique et à ses utilisations confessionnelles, ou celles qui conduisent à traduire la norme sacrée dans la sphère du profane.
La méthodologie suivie pour dégager de telles lignes de force repose sur la confrontation des approches de la question propres aux différents domaines artistiques ou aux différents contextes culturels où l’influence de la Bible se fait sentir. Si l’approche de plusieurs chercheurs engagés dans ce programme est à dominante littéraire, d’autres membres de l’équipe dont le champ de recherche porte davantage sur la caricature, la peinture, la photographie ou le cinéma, y apporteront régulièrement leurs regards. Il s’agit donc d’un projet interdisciplinaire qui croise les disciplines (linguistique, littératures grecque, latine, française, anglophone, hispanophone, germanophone, histoire), et les approches (narratologique, anthropologique, esthétique, politique). Des chercheurs extérieurs à l’équipe seront sollicités, par appel à communications sur les sites de diffusion et d’information dédiés, ainsi que par sollicitations personnelles à travers les réseaux nationaux et internationaux propres à chaque domaine disciplinaire.
Les travaux auront lieu sous forme d’un séminaire régulier bimestriel, d’une durée de deux ans et demi, sur des thématiques définies en équipe et ciblant à chaque fois un aspect particulier du modèle biblique. Le premier séminaire pourra s’intéresser aux figures de femmes, depuis Eve jusqu’à Marie-Madeleine, en passant par Rébecca, Léa, Rachel, Suzanne, Judith, etc… à l’exception de la Vierge Marie qui a fait l’objet d’un colloque lors du contrat 2012-2016. Le second séminaire pourra porter sur les figures de prophètes dans leurs rapports avec l’autorité politique. Ces séminaires qui impliquent des membres de l’équipe rattachés aux universités de Brest et de Lorient auront lieu en alternance à l’UBO et à l’UBS.
Un colloque international sur « La Bible au miroir de ses réécritures » pourra donner lieu à un croisement des approches littéraires, iconographiques et cinématographiques permettant de dégager les lignes de force de l’intertextualité et des imaginaires bibliques en dehors de la thématique nécessairement plus limitative des séminaires de recherche.