Découvrez quelles sont les sources d'inspiration et quelques pistes bibliographiques des projets phares de Ressac 2024.
© Étude Révolutionaire Joel Nicolas
Elisabeth Schwartz : « Les danseurs depuis les débuts de la modernité dans leur désir d’un retour à un simple corps organique se sont confrontés à la question de la genèse du mouvement et celles des formes par le mouvement. Pour traiter le thème de la croissance et de la mue, je m’appuie sur la pensée théorique et pratique du danseur et chorégraphe moderne Rudolf Laban (1879-1958). Dans sa recherche, celui-ci met en rapport les sciences et les arts. Les données scientifiques de flux, énergie, force, espace, temps, qui donnent naissance aux formes en mouvement se situent au cœur de sa conception de l’espace dynamique qu’il nomme Choreutique. Quelles lois président à la genèse des formes naturelles ? Et des lois harmoniques existent-elles ? À cet égard, la recherche de Laban résonne avec les travaux de son contemporain, le scientifique D’Arcy Thompson.
À travers la danse, comment donner à voir la naissance des formes et leur transformation incessante ? Ce serait les flux d’énergie déployées dans le temps et leurs rythmes qui leur donneraient leur singularité.
Donner la priorité aux phrasés du temps continu et indivisible sera notre démarche : donner du temps au temps pour laisser naître dans l’espace les modulations rythmiques de l’énergie qui rendent visibles les formes en mouvement.
Alors la relation à l’espace portée par les flux d’énergie devient écoute, empathie au monde, aux autres.
Cette recherche sur le temps continu trouve son écho dans la philosophie d’Henri Bergson. Henri Bergson associe la transformation de la matière vivante au temps. Davantage, pour penser la vie de la matière, il donne la primauté au temps tandis que la forme se relie à l’espace. »
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Jessica Tara Bentley, Guillaume Rivière
Jessica Tara : «La plante compagne de Pierre Lieutaghi, continue de beaucoup m’inspirer dans mes recherches et projets autour des herbiers. L’histoire des liens qui nous unissent au monde végétal, l’idée que les plantes portent en elle une mémoire et qu’elles peuvent nous instruire, nous rendre humbles, attentifs et réceptifs au cycle des saisons. J’aime beaucoup ce livre qui nous rappelle l’ancienneté de notre rapport, d’être humain à la flore nourricière, soignante et animée.»
Guillaume Rivière : «Dans mon métier de photographe de presse je suis amené à faire des portraits d’auteurs tels que Pierre Rabhi ou Gilles Clément qui sont tous deux pour moi des références aussi bien par leurs propos que par leurs écrits. Je recommande l’écoute de la Leçon Inaugurale de Gilles Clément au Collège de France.»
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Projet Smart Noz - Balade nocturne à Keredern, avril 2023 © UBO / Chaire Noz Breizh
Edna Hernandez Gonzalez : «Les travaux d’Alain Cabantous sur l’histoire de la nuit aux XVIIe et XVIIIe siècles retracent bien la complexité de la temporalité nocturne et son lien avec la peur à une époque où l’éclairage électrique était inexistant dans les paysages urbains et ruraux. Ces réflexions sont devenues plus prégnantes dans le cadre de mes recherches au moment où les villes ont commencé à adopter des mesures visant à diminuer voire supprimer l’éclairage public la nuit. Dans ce contexte, comment imaginer une nuit qui puisse rester festive tout en étant respectueuse de l’environnement dans lequel elle s’inscrit ? Comment concevoir des espaces qui puissent rester plongés dans l’obscurité durant la nuit en l’absence d’utilisation de ces espaces et de présence humaine ? Dans quelle mesure peut-on envisager une nuit moins illuminée mais avec un éclairage suffisant pour se sentir en confiance la nuit ? Autant de questions qui ont déjà été débattues et que l’on continuera
à explorer dans le cadre des projets initiés par la chaire Noz Breizh.»
Alice Pennors : « Mes réflexions se nourrissent d’une veille technologique assidue, réalisée dans le cadre d’un métier qui me demande d’observer le changement au prisme de l’avant-garde. Je suis particulièrement attentive aux travaux scientifiques qui explorent les recouvrements entre prospective sociétale, acceptation des technologies et volet environnemental. Ici, c’est sans doute une envie de « dérive urbaine » telle que Guy Debord et le mouvement situationnistes (1960) l’ont expérimentée qui guidera nos pas lors des déambulations proposées pour le Festival Ressac. Le désir de (ré)créer une expérience sensible de la nuit par l’acte de marcher, déambuler, sentir et capter différentes ambiances au travers de media interactifs expérimentaux. »
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Jean-Marc Giri
Maï Le Dû : « Il y a un livre que j’ai lu au début de ma recherche en immersion auprès de Salomé : Les nuits mouvementées de l’escargot sauvage, de Elisabeth Tova Bailez. Une histoire de jeune femme recluse à cause de la maladie, qui observe les pérégrinations d’un escargot entré dans sa vie par un bouquet de violettes. Il m’a aidé à plonger dans la lenteur, l’acceptation du silence poétique qui parfois marquait nos journées, lorsque la respiration se faisait rare, cahotique… »
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Campagne Arc-en-Sub, PI. M. Andreani, FOF
Marcia Maïa : « Comme beaucoup de personnes, j’ai lu « Vingt mille lieues sous les mers » à l’adolescence et les images décrites dans le texte, l’exploit de visiter les profondeurs de l’océan ont habité mes rêves. Encore de nos jours, pouvoir plonger et travailler au fond des océans reste une prouesse et un exploit technologiques. Et une source d’émerveillement continu ! Le texte de Verne est encore de grande actualité. Préservons la mer telle qu’elle est perçue par Nemo. L’idée de montrer ces paysages et évoquer les processus qui façonnent le plancher des océans, à l’origine des oasis de vie des sources hydrothermales, à travers la musique et des vidéos m’est venue un soir alors que j’écoutais les « Sea Pictures », cycle de mélodies de Elgar sur des poèmes liés à la mer. Je me suis dit que plusieurs œuvres mettaient en scène la mer, son immensité, ses changements ainsi que les idées qui lui sont souvent associées, comme la solitude par exemple. Dans ce registre, il y a la magistrale œuvre de Debussy, « La Mer ». Mais, à ma connaissance, aucune œuvre musicale n’a traité des profondeurs de l’océan, là où la lumière ne pénètre pas et où nous ne sommes que des étrangers de passage. Montrer ces images rares et d’une grande beauté et expliquer les processus les façonnant d’une autre manière, faisant appel à une autre sensibilité, est l’idée à l’origine de ce projet collectif. »
Yves Pignot : « Après invitation à participer à ce projet j’ai pu voir quelques vidéos des grands fonds : couleurs, mouvements filtrés par le milieu aquatique, un univers comme ralenti dans un rêve. Une réflexion m’a un peu étourdi sur le moment : mais sans apport de lumière par l’être humain, tout serait obscur ! »
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Thierry Tanter
GUIOMAR CAMPOS : « Les Corps et les Choses est fortement inspiré des théories comme celui de Donna Haraway, Anna Tsing ou Isabelle Stengers, chercheuses contemporaines qui établissent, depuis leurs champs théoriques respectifs, qu’une des seules manières satisfaisantes de survivre aux ruines du monde d’aujourd’hui, fruit des excès de l’anthropocène et de la capitalocène, est le développement de l’interaction entre différentes espèces, afin de trouver des manières autres d’être ensemble, plus particulièrement de devenir ensemble. Leurs discours chargés d’optimisme, mélangent avec jubilation la science pure, particulièrement la biologie, la philosophie et la science-fiction, non pas envisagées comme évasion hors du réel, mais plutôt comme support de spéculation utopique et d’expérimentation. » L’œuvre de Haraway « Habiter le trouble » et plus précisément le chapitre « Pensée tentaculaire » a particulièrement inspiré Les Corps et Les Choses. »
MATHIEU LUCUBRATORY : C’est précisément cette exploration des frontières entre le réel et la fiction, ou entre le naturel et le monstrueux, qui nous permet de définir ce nouveau champ du possible. l’observation scientifique d’écosystèmes vivants, comme la découverte de mondes issus de l’imagination d’aujourd’hui ou de mythes anciens, nous guident dans de nouveaux comportements , de nouvelles façons d’être au monde et d’interagir. Savoir se plonger dans l’obscur, dans le mystère, dans le latent, accepter d’envisager le monde comme quelque chose qu’on ne pourra jamais maitriser, mais plein de potentialités à saisir. »